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LA MER AVEC SES FRUITS VIVANTS

La mer avec ses fruits vivants

Lumineux homards et méduses électriques

Et ses forêts de mâts

Arbres nus et mouvants

Portant haut de muets perroquets

Arbres blonds, élégants

Portant de lourds colliers

Arbres voyageurs qui espèrent le vent

 

Respiration salée dans les poumons de toile

Poumon de misaine

Poumon de grande voile

Se gonflent et expirent à l’empannage

 

La voile claque et faseye

Le cœur vacille, un peu bancal

Esquisse un équilibre

Sur la vague qui s’esquive

 

Tant de cordes, de bouts, d’écoutes, de filins

Pour un rêve, emprisonner le vent

Le lier, le prendre dans la toile tendue comme un filet

La poulie des veuves est là pour le venger

Il s’échappe, se libère

Le nœud coule

Comme l’homme dans la mer

Comme l’eau dans les doigts qu’on a pourtant serrés

Dans les yeux qu’on a pourtant fermés

Comme le temps au fond du sablier

 

Dans le grand bataclan de deux éléments

Qui de l’eau

Qui de l’air

Monte le plus haut

Quand le ciel est à l’envers

Quand l’eau est noire comme l’air

Entre loup et chien de mer ?

Mai 2004, Chausey

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ATELIERS

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     Quand il a jeté l’ancre rue du Corbeau dans le Cœur, les couleurs étaient versatiles.

     Pourtant il rêvait d’espaces ouverts, où les anneaux du temps se déroulent infiniment, où, dans l’urgence de l’émerveillement, les mots sont luminescents pour l’amoureux noctambule.

     Mais maintenant, près d’Oude-Kerke, l’eau salie d’ombre des canaux a des tentations de rivière souterraine et des perfidies de labyrinthe. Elle piège les lueurs pour les dissoudre en d’infinis tremblements, et le temps s’infuse dans l’espace, pendant que s’écoule le sablier des déceptions.

     Attiré par la lanterne rouge comme un poisson aveugle, il avance avec la confiance mécanique d’un projectile, pousse la porte du grenier des fantasmes et entre dans le coffee-shop.

     Bientôt, le scotch fait des plis dans sa tête. Sa méduse personnelle et élégante entre en phase de psychose. Enfin.

Il regarde la femme empaquetée près de lui, et son regard plie et déforme son corps, s’accroche en sautoir à ses seins, suit la sinuosité du satin et s’arrête d’arête en arête, aux angles qui piquent et qui pointent de la jambe et des reins.

     Mais la transparence floue du désir un peu déchirée sur les bords cicatrise déjà. Voilà justement ce qui fait peur, la fumée n’est jamais là où on l’attend, et l’esprit dévore le cœur, parfois.

     Ah ! ce pauvre besoin d’admiration qui crève les yeux ! cet agaçant mystère qui, une fois passée la bourrasque, laisse pantelant de rire et d’effroi dans l’arène, et pas du tout affranchi !

     Tristesse de ne plus entendre son cri résonner encore en échos amortis.

         

                                                                             

 

L’été coulait, rouge comme le miel,

Chaud comme le sang.

C’était le temps des loups, des masques,

Des mensonges suaves comme des promesses.

Ses yeux d’inox me perforaient le cœur,

À chaque battement, fragile

Comme un serpent de verre.

Depuis en attente d’un infarctus unique,

Je cherche le mot évadé de l’oasis d’ombre.

 

 

Les néons ont des flashs de désirs brutaux et le dioxyde prend des parfums d’agrumes acides.

Sur le béton rugueux, les bandes blanches se poursuivent, se croisent et s’échappent pour s’alanguir en caresses sur des carrosseries galbées et des chromes rutilants.

Les rétroviseurs jaloux ne reflètent que les crissements du ciel.

Mais tôt ou tard, les histoires d’amour finissent mal.

Alors elle part seule en voyage.

Avec ses ongles, elle a suivi la carte de ses veines, leur tracé en transparence sous sa peau. 

Elle a crevé tous ses tuyaux de sang, et il est resté là, tranquillement, à se vider lentement, dans ce parking souterrain, terne, gris et sale, comme ils le sont tous en général.

 

Textes écrits lors d’ateliers d’écriture organisés dans l’Yonne, à Sens, par des amis du GFEN dans les années 90. S’ils sont personnels, ces poèmes sont également le fruit d’un processus commun d’écriture et je salue ici tous ceux qui y ont participé.

Poème no.1
Poème no.2
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